Un pays tout en noir et blanc, Images d'histoire ou du présent, Sur fond ivoire, se découpant, Un jour pleuvoir, un jour brûlant, Ombre chinoise, dessin d'enfant.
Oui, en fait, l'espace est là, sur la dune. Des hectares préservés entre homme et océan, Peuplés de plantes aux noms étranges : Raisins de mer, Pimprenelle, Laîches, Et autres lagures ovales, Mais surtout odorantes : Entre le parfum à la Daudet (Serpollet arctique), Ou celui plus entêtant du curry (Immortelle des sables), On ne sait vraiment plus où donner du nez ...
Alors reste à marcher, le nez au vent, pendant longtemps, Au milieu de nulle part, Avec, parfois, pour seul voisin, au fond, L'océan, Bleu. Insolent. Envoûtant.
Ainsi donc, Au pays des dolmens comme ailleurs, La place fait défaut, Et dans les petits villages de pierre, Pas toujours facile De s'asseoir pour boire un coup, Ou profiter de son journal au soleil...
Qu'importe. Ici, l'espace est ailleurs, Dans la dune, la plage, ou l'océan...
Avant de partir, Je reviens sur la grand'place de la ville, Je regarde à nouveaucette façade. Dans chacune de ses fenêtres, Se mire un monde différent, des vies différentes. La réalité, ce doit être la somme de toutes ces fenêtres, Posées bout à bout, inexorablement.
J'imagine l'oeil à facettes d'une mouche géante, Qui regarderait la ville, Sous tous ses angles : Une société découpée, hiérarchisée, pixellisée, Et ses citoyens bien rangés dans des tiroirs : Les pauvres, les très pauvres, les moins pauvres, Mieux on se connait, mieux on fonctionne ...
Et l'homme, dans tout ça ? Moi qui aime bien les belles histoires, Des fois, je me dis : Ce petit gamin, assis, là, le cul par terre, La bouche pleine de chocolat et les doigts crasseux, Comment rencontrera-t-il sa dulcinée, Dans dix ans, Elle, Qui vit à six cent mètres de chez lui, Derrière une haute grille à barreaux, Protégée par un digicode intraitable ?
J'arrête là mes questions à la noix. Demain, je pars en Bretagne, Voir à quoi ressemblent les tiroirs de là-bas. De toute façon, on s'tient au courant, pas vrai ?
Quand soleil et noirs nuages donnent le la de la palette, De l'infra rouge ombrage jusqu'à l'ultraviolette, Blotti, Archie guette sous sa glycine : Le long ruban de couleurs dégouline, Rapidement dissimulé, Sous des vents forcenés, La magie d'un instant, le court temps d'un cliché, La dévorer des yeux, gardant son nez levé, Et les premières grosses gouttes aussitôt s'écraser.
C'est le soir, Quand il fait moins chaud, Qu'Archie et sa dame arpentent doucement, Les ruelles de la ville.
A la nuit tombée, Les vieux quartiers sont encore plus beaux, Les jardins chuchotent, Les cabanes respirent, Et seuls les murs de pierre se souviennent de la chaleur passée.
Bien cadenassée, La porte de la nuit, Attend encore un peu, Pour affronter le noir.
Ses lunes et ses étoiles, Sont là pour te guider, On voudrait la pousser, On voudrait tant passer, Qu'on se sent aspiré, Par la tôle ajourée : C'est le pays des rêves, Et la lumière bleutée, Halo fantomatique, Qui semble nous appeler.
C'est la minute brève : Dame Archie amusée, Rappelle à son mari, Qu'il est temps de rentrer ...
Le long des palissades, Poussent des coquelicots, Ce n'est pas par bravade, Mais parce que c'est plus beau : Ça permet une œillade, A côté des travaux. Que les couleurs sont folles de nous croire rassasiés, L'endroit n'est pas mariole, mais peut nous étonner, Alors une cabriole, et c'est rafistolé, Poésie et humour vivent le long des fossés.
Les voila donc revenues, Ces vacances tant attendues, Des petits déj' dehors, Aux siestes dans le hamac, Il va falloir réapprendre à regarder passer le temps, En apprécier le plus infime morceau, Pour mieux le décortiquer, Le mâchonner dans tous les sens, S'imprégner alors de ce curieux goût, Ni paresse, ni oisiveté, Et progressivement passer de l'autre côté, Du côté des gens en vacances.
En commençant peut-être, Par poser ses lunettes, Un peu comme pour voir plus net, Les nouvelles de ce drôle de monde Qui nous entoure.