Souvent, gamin, dés que le printemps arrivait, il venait là avec le vieux. Il n'était pas attiré par la pêche, comme son grand frère, seulement par "l'idée de la pêche". Il avait tout l'attirail, mais, du haut de ses six ans, ne savait pas s'en servir.
C'en était devenu une sorte d'habitude, de rituel. Ils arrivaient par le chemin, puis foulaient les grandes herbes. Ses bottes, trop grandes pour lui, ruisselaient. Pas à pas, il marchait, il suivait le vieux. Enfin, ils arrivaient, tout au bord de l'eau, au niveau des rapides, juste en face de la petite île.
Celle-ci émergeait d'un brouillard rosé, à tel point que longtemps après, même sans se rappeler précisément de l'endroit, cette image revenait à l'esprit de l'enfant, comme synonyme de fraîcheur et de méditation.
Là, ils s'asseyaient. Ils parlaient peu. Ils écoutaient le silence, cet étrange silence ourlé du bruit continu mais lointain des rapides qui se fracassaient derrière l'île.
De temps à autre, le cri d'un héron ou d'une poule d'eau osait déchirer le brouillard, sans jamais qu'on puisse l'apercevoir.
L'enfant était perdu dans un monde de songe. Les yeux vissés au sol, il semblait s'extasier devant les croquenots ou le pantalon de jardin du vieux, mais, en fait, il était déjà loin, très loin, bien au-delà de la rive ...
Sur l'île, on pouvait apercevoir les restes de quelque bâtiment de béton, datant de l'ancienne filature qui s'effritait avec le temps, quelques dizaines de mètres plus bas.
L'enfant guettait l'instant. Il connaissait précisément l'endroit où il devait s'asseoir, au centimètre près. Par la fenêtre de ce bâtiment, ouverte et béante sur l'autre rive, il attendait l'arrivée du soleil levant, exactement cadré au bon endroit, juste pour lui.
L'instant était magique et durait peu. Le vieux ne bougeait pas non plus. Une fois, il ajouta : " Tu vois, le soleil vient de par là. Un jour, quand tu seras grand, tu feras sans doute le tour du monde, et tu parviendras peut-être à atteindre l'autre côté. Alors, tu n'auras plus besoin de guetter cette fenêtre ..."
C'en était devenu une sorte d'habitude, de rituel. Ils arrivaient par le chemin, puis foulaient les grandes herbes. Ses bottes, trop grandes pour lui, ruisselaient. Pas à pas, il marchait, il suivait le vieux. Enfin, ils arrivaient, tout au bord de l'eau, au niveau des rapides, juste en face de la petite île.
Celle-ci émergeait d'un brouillard rosé, à tel point que longtemps après, même sans se rappeler précisément de l'endroit, cette image revenait à l'esprit de l'enfant, comme synonyme de fraîcheur et de méditation.
Là, ils s'asseyaient. Ils parlaient peu. Ils écoutaient le silence, cet étrange silence ourlé du bruit continu mais lointain des rapides qui se fracassaient derrière l'île.
De temps à autre, le cri d'un héron ou d'une poule d'eau osait déchirer le brouillard, sans jamais qu'on puisse l'apercevoir.
L'enfant était perdu dans un monde de songe. Les yeux vissés au sol, il semblait s'extasier devant les croquenots ou le pantalon de jardin du vieux, mais, en fait, il était déjà loin, très loin, bien au-delà de la rive ...
Sur l'île, on pouvait apercevoir les restes de quelque bâtiment de béton, datant de l'ancienne filature qui s'effritait avec le temps, quelques dizaines de mètres plus bas.
L'enfant guettait l'instant. Il connaissait précisément l'endroit où il devait s'asseoir, au centimètre près. Par la fenêtre de ce bâtiment, ouverte et béante sur l'autre rive, il attendait l'arrivée du soleil levant, exactement cadré au bon endroit, juste pour lui.
L'instant était magique et durait peu. Le vieux ne bougeait pas non plus. Une fois, il ajouta : " Tu vois, le soleil vient de par là. Un jour, quand tu seras grand, tu feras sans doute le tour du monde, et tu parviendras peut-être à atteindre l'autre côté. Alors, tu n'auras plus besoin de guetter cette fenêtre ..."
Tout ce passé là avait quitté son esprit depuis bien longtemps. Et voila qu'aujourd'hui, c'était lui le vieux. Et il se retrouvait là, en cet endroit, ce matin là, et cette image du passé qu'il avait complètement oubliée, lui revenait en pleine figure, brûlante comme un coup de fouet.
D'un coup, il revoyait tout : il revoyait les balades au bord du canal avec son père, près du barrage, l'ambiance dans la brume, le cri de oiseaux. Son père : presque quarante ans après sa mort, il avait bien essayé de ranger tous ses souvenirs, soigneusement repliés dans la commode de l'oubli, mais rien n'y faisait : il y avait toujours des bouts qui passaient.
En une image, c'était tout un pan du passé qui venait de se décrocher, énorme comme une avalanche, la sensation délicieuse et terrifiante d'avoir traversé à toute vitesse la petite fenêtre de ce petit bâtiment gisant là-bas, loin, sur cette petite île de sa petite enfance ... juste à l'endroit précis où le soleil se lève ...
6 commentaires:
magnifique souvenir, Archie.
Un beau billet, très émouvant. Et une photo qui l'illustre de façon superbe avec la fenêtre dans le fond.
Ouep !
C'est drole comme tu racontes toujours très bien, très finement, les latences, les patiences, les silences, les calmes et puis, les quelques turpitudes coincées dans un cortex.
Manginfique photo,
et celle du totem juste en dessous.
C'est étonnant que cet endroit soit resté comme dans les souvenirs.
Magnifique photo, lumière exceptionnelle, décor de rêve et de nostalgie.
Ton texte est superbe Archie, tout en retenue malgré le tumulte des souvenirs. La symbolique du soleil qui se lève dans la fenêtre est un beau cadeau fait par ton père...un cadeau éternel, c'est vraiment beau non?
Merci Yaëlle. En vrai, ce n'est pas ce paysage là qui était concerné, mais celui-ci, à ce moment-là, a réussi à extraire ce souvenir caché en moi de ... bien loin :)
Enregistrer un commentaire