J'habite un tout petit village de moins de cent habitants.
Avez-vous déjà remarqué que, dans chaque bourgade, il existe au moins une personne marginalisée (au sens de "qui vit dans la marge") ? Je ne sais pas trop pourquoi, mais ces gens-là m'ont toujours intéressé ...
Celui-là vivait en bas du village, dans une petite maison. Seul. Enfin, au début il n'était pas seul, mais il y avait une compagne, avec des mômes, et puis ... lui il avait des mômes aussi qui venaient le voir de temps en temps, une vie un peu compliquée, pas de boulot fixe ... et puis l'alcool, ... et puis, toutes ces choses qui font qu'on se retrouve seul à un moment donné.
Alors, il avait pris l'habitude, pour laisser le temps passer, de sculpter dans la pierre. (il faut dire qu'il y a pas mal de pierre dans mon patelin). Il fabriquait toutes sortes de petits animaux qu'il collectionnait dans sa maison, ou "exposait" devant, comme ça, en vrac.
Un jour, à l'occasion d'une rencontre, j'étais allé boire une canette chez lui, et il m'avait donné celle-ci.
Oh, elle n'était pas d'une plastique époustouflante, mais j'ai trouvé le geste et le bonhomme tout à fait attendrissants : j'ai conservé la statuette, dans un coin, chez moi ...
Avez-vous déjà remarqué que, dans chaque bourgade, il existe au moins une personne marginalisée (au sens de "qui vit dans la marge") ? Je ne sais pas trop pourquoi, mais ces gens-là m'ont toujours intéressé ...
Celui-là vivait en bas du village, dans une petite maison. Seul. Enfin, au début il n'était pas seul, mais il y avait une compagne, avec des mômes, et puis ... lui il avait des mômes aussi qui venaient le voir de temps en temps, une vie un peu compliquée, pas de boulot fixe ... et puis l'alcool, ... et puis, toutes ces choses qui font qu'on se retrouve seul à un moment donné.
Alors, il avait pris l'habitude, pour laisser le temps passer, de sculpter dans la pierre. (il faut dire qu'il y a pas mal de pierre dans mon patelin). Il fabriquait toutes sortes de petits animaux qu'il collectionnait dans sa maison, ou "exposait" devant, comme ça, en vrac.
Un jour, à l'occasion d'une rencontre, j'étais allé boire une canette chez lui, et il m'avait donné celle-ci.
Oh, elle n'était pas d'une plastique époustouflante, mais j'ai trouvé le geste et le bonhomme tout à fait attendrissants : j'ai conservé la statuette, dans un coin, chez moi ...
Le type a ensuite disparu du village, j'ai appris qu'il avait eu de graves soucis cardiaques, lui qui n'était plus tout jeune, passablement usé, et qu'il avait été suivi dans un établissement de santé. La maison (qui ne lui appartenait pas) a été vendue. A vrai dire, je ne sais même pas s'il est encore vivant aujourd'hui...
Reste cette statuette. Et je ne peux m'empêcher de penser à ce type, critiqué par la bonne société (celle de la "mauvaise réputation" de Brassens), un tantinet condescendante, un rien condamnante, mais toujours avec le sourire de cette bonne vieille morale judéo-chrétienne qui continue de nous coller à la peau ...
Et lui, seul, en face, en guise de réponse, offrait son art -fusse-t-il naïf- sans rage ni rancune... Joli pied-de-nez à l'hypocrisie humaine, avant de finalement s'en aller, sur la pointe des pieds vers un ailleurs improbable ...
Que faisons-nous de nos vies, vraiment ?
Aux beaux jours, j'irai accrocher la statuette dans le jardin, sur un mur. C'est là qu'elle sera le mieux, je pense.
Reste cette statuette. Et je ne peux m'empêcher de penser à ce type, critiqué par la bonne société (celle de la "mauvaise réputation" de Brassens), un tantinet condescendante, un rien condamnante, mais toujours avec le sourire de cette bonne vieille morale judéo-chrétienne qui continue de nous coller à la peau ...
Et lui, seul, en face, en guise de réponse, offrait son art -fusse-t-il naïf- sans rage ni rancune... Joli pied-de-nez à l'hypocrisie humaine, avant de finalement s'en aller, sur la pointe des pieds vers un ailleurs improbable ...
Que faisons-nous de nos vies, vraiment ?
Aux beaux jours, j'irai accrocher la statuette dans le jardin, sur un mur. C'est là qu'elle sera le mieux, je pense.
8 commentaires:
Dos rond et tête baissée, elle est indéfinie comme quelqu'un qui se cherche et, ne trouvant pas sa place, se résigne.
Très belle photo.
Une jolie photo, le dos rond un peu triste m'a frappée aussi. Et un beau texte.
C'est un beau texte que tu nous donnes, un beau portrait d'un homme au triste destin.
La statue,je la trouve très belle, dans sa simplicité pourtant très expressive. Le dos rond, l'air un peut triste, l'air d'attendre la prochaine tuile qui va lui tomber dessus.
J'ai connu jadis dans mon village un marginal qui lui aussi était un personnage étonnant. Si je savais écrire aussi bien que toi, je raconterais son histoire.
Il s'appelait Charles.
Que sont elles devenues, ces statuettes, après le départ de leur créateur ?
Dispersées, tombées en des mains indifférentes, celle ci, au moins, a eu de la chance.
Plus je regarde la photo et plus je la trouve belle, la ligne du dos, la forme des cuisses, la tête penchée, elle me fait penser aux statues animalières de Pompon, en plus primitif, sans doute, mais trés émouvante.
Merci à vous. Après le départ, je suppose qu'il les a donné, je ne pense pas qu'il avait la place pour les récupérer, tout cela s'est passé assez rapidement, Fleur ...
Très joli texte.
Belle photo, bel hommage, bel objet.
Je pense à Seraphine de Senlis et l'interprétation de Yolande.
Ah oui ... Séraphine : superbe film et superbe Yolande !
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