- Tu vois, petit, dit le vieux, la vie , c'est un peu comme cette porte.
En même temps, tu la vois nette, la porte en bois,
mais aussi, tu la vois floue, l'ombre de l'arbre.
Et pourtant c'est le même endroit.
L'ado contemplait la porte avec un air perplexe.
Si tu fixes la porte nettement,
Tu vois l'ombre de l'arbre encore plus floue,
Alors que, si tu te concentres sur l'ombre,
Non seulement, elle reste floue,
Mais en plus, même la porte n'est plus nette.
Eh bé, dans la vie, c'est pareil.
Il y a des fois, où à trop chercher à comprendre,
On y comprend plus rien à rien,
Alors que, si tu ne veux bien voir qu'un seul point de vue,
Il t'apparait bien clair, bien net,
Et il te fait oublier tout le reste.
Et puis tu sais quoi ?
Même les gens, y sont comme ça :
Tes amis, tu les connais par coeur,
Tu sais leurs envies, leurs penchants, leurs contours,
Alors que les autres, dans la rue,
Ils sont comme flous : des inconnus.
Seulement des fois,
A trop regarder les inconnus,
Eh bé tes amis,
Tu ne les reconnais plus non plus !
- Pourtant, répond le gamin,
Dans la réalité, il existe bien les deux choses :
La porte et l'arbre,
En ignorer un, est peut-être plus confortable à tes yeux,
Mais ça n'est pas la réalité,
Ça n'est pas la vérité,
Et ça n'empêche pas l'arbre d'exister.
- Et alors, t'as besoin de vérité, toi ?
Doucement, il se regardèrent.
- Oui. Je vis dans un monde réel, moi.
Elle vaut pas un clou ton histoire.
Et il se leva doucement et regarda le vieux avec cette incompréhension désespérée qui le prenait chaque fois qu'il devait parler avec un représentant du monde des adultes. Puis il laissa traîner son doigt le long de la porte en bois et disparut.
Le vieux, lui, restait seul, assis. Il repensait aux infos qu'il avait vu la veille à la télé, et se mit à maugréer après ces gamins qui savent tout mieux que tout le monde, mais en fait ne savent rien, qui ne comprennent rien à rien, et à qui aujourd'hui, on ne peut décidément plus rien apprendre.(*)
(*) Sondage publié le 13 mai 2009 : La moitié des Français (51 %) ont une image négative, voire très négative des jeunes de 15 à 25 ans
7 commentaires:
Sondage, statistiques, formes modernes et perverses du mensonge et du bourrage de crâne, qui n'ont pour effet que de conforter "les gens" dans leurs mauvaises pensées.
C'est pour cette raison que souvent je préfère être seule que d'entendre "les gens" dirent avec conviction toutes ces énormités, toutes ces phrases qui me blessent et parfois je suis lassée de me battre contre les moulins à parole, plus résistants, finalement, que les moulins à vent.
"dire", bien sûr.
me dis pas que c'est toi le vieux
je te croirais pas
On excuse tes fautes de frappe Fleur, pour le reste, la solitude, apporte beaucoup c'est sûr, mais elle ne nous apprendra pas à vivre ensemble ...
HS, je ne suis pas le vieux (merci d'en être sûr), je ne suis pas l'ado non plus.
A la rigueur, je veux bien être l'arbre dont on voit l'ombre sur la photo :)
Tu me fais réfléchir en ce dimanche Archie...la métaphore de la porte ombrée de feuillage à la fois floue et nette...comme la vie? Mes 15 ans sont loin et mes 25 aussi; la vie me semble pourtant d'une netteté et d'un réalisme absolus, jamais floue, plûtot tranchante et giflante parfois.( même dans la douceur, elle me coupe le souffle bien souvent)
Quant au sondage que tu cites, c'est évidemment un chiffre démago qui doit s'appuyer sur des clichés médiatisés concernantles jeunes.( violents dans les cités, lobotomisés par les ordinateurs et les jeux etc). Ne les laissons pas seuls au contraire, ne fuyons pas notre place d'adulte auprès d'eux, sinon, à quoi bon?
( et puis je me suis demandée aussi si ton vieux n'avait pas un début de cataracte ...je deviens bête quand j'essaie de réfléchir un dimanche...sourire!!)
Désolé de te pousser à la réflexion en ce chaud dimanche de mai ...
Bien sûr qu'on ne va pas les laisser seuls, évidemment
Mais les sondages ne sont pas là par hasard. Pour quelque faux ou vrai qu'ils soient, ils existent et, rien que ça c'est déjà terrible ... et j'ai appris à ne rien sous-estimer, surtout pas les gens qui ne rament pas dans le même sens que moi.
C'est très bien, comme explication, ton idée de la cataracte, je trouve :))
Je te rassure, Archie. Je ne suis pas un vieux sanglier farouchement isolé. J'aime les gens, j'ai travaillé en contact avec eux toute ma vie et j'ai toujours été à l'écoute, et fait mon possible pour aider, quand mes modestes fonctions me le permettaient.
Il y a simplement que les discussions oiseuses avec des personnes dont les propos me heurtent ont fini par me lasser.
Il m'est arrivé, au cours d'un repas avec des gens que je ne connaissait pas très bien, de partir donner un coup de main à la plonge pour éviter d'envoyer mon verre à la figure de mon voisin dont les propos m'horrifiaient.
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